"Cartooning for peace", ou le dessin de presse au service des droits de l’homme
Crédit : Nicolas Terrien
Publié : 14 octobre 2018 à 18h18 par Nicolas Terrien
Il était partout, Plantu, sur ces Rendez-vous de l'Histoire de Blois, avec ses acolytes Kichka et Kroll. Ce triumvirat de dessinateurs de presse représente le collectif international qui a présidé cette 21e édition.
"Les dessins de presse nous font rire. Sans eux, nos vies seraient bien tristes. Mais c’est aussi une chose sérieuse: ils ont le pouvoir d’informer mais aussi d’offenser" : cette phrase a été prononcée en 2006 par Kofi Annan lors du colloque "Désapprendre l’intolérance" à New York en octobre 2006. L’ancien secrétaire général de l’ONU et Prix Nobel pour la Paix disparu le 18 août dernier aurait certainement eu toute sa place à Blois ? C’est d’ailleurs sous son haut patronage que Plantu a créé "Cartooning for peace", un collectif qui regroupe 183 dessinateurs de presse engagés venant de 64 pays. Leur point commun : ils utilisent l’humour pour combattre l’obscurantisme et le totalitarisme, et contribuent à la préservation du respect des cultures et des libertés.
La puissance des dessins de presse
C’est la première fois que le Conseil scientifique des Rendez-vous de l’Histoire choisit un collectif pour assurer la présidence d’honneur de l’événement blésois des historiens. Car évidemment, depuis les attentats de "Charlie" en janvier 2016, les choses ne sont plus les mêmes. Il n’y a qu’à voir Plantu. Par deux fois il est venu sur les Rendez-vous de l'Histoire mais "aujourd’hui, je suis accompagné de policiers", explique le dessinateur du journal Le Monde pour souligner ce malentendu autour de la perception des images par les uns et les autres. "Une même image peut être apaisante pour certains et offensante pour d’autres que ce soit à 10 000 kilomètres ou à 50 mètres de chez moi". C’est la force, mais aussi le danger de l’image, et donc du dessin dans ce cas précis.
Plantu au front de la défense de la liberté d’expression
Depuis plusieurs jours, des dessins de presse sont disposés çà et là sur les pavés des trottoirs du centre-ville de Blois. Une exposition sur "le dessin de presse dans tous ses états" reste aussi visible dans les jardins de l’Evêché. On a aussi aperçu Plantu assister à la conférence de Michel Pastoureau vendredi soir, juste après avoir participé à un débat à l’invitation du Club de la Presse du Val-de-Loire, mais aussi à La Fabrique auprès de jeunes Blésois. Toujours disponibles, répondant aux demandes, expliquant sans relâche la démarche de "Cartooning for peace"... Le dessinateur aura joué à fond son rôle –finalement– de président d’honneur, même si c’est le collectif qui est mis en avant. Jusqu’à bien-sûr la conférence de clôture ce dimanche soir avec Christiane Taubira.
Censure en développement sur les réseaux sociaux ?
On l’a vu dernièrement. Certaines œuvres d’art sont censurées par Facebook ou Instagram, telles, par exemple, les représentations nues des maîtres italiens de la Renaissance, peintres ou sculpteurs. "Je ne suis pas inquiet pour l’avenir des dessinateurs, car nous dessinerons toujours, mais je suis pessimiste sur le devenir de la liberté d’opinion. Nous le voyons bien avec les réseaux sociaux. Ils doivent rester des outils, et ne pas nous dire ce que l’on doit faire ou publier. C’est moi qui doit penser, et pas toi, l’outil !". Avec ses comparses Kroll et Kichka, Plantu s’est efforcé d’attirer l’attention du public sur la liberté d’expression, menacée sur de nombreux fronts.
"Dix bonnes raisons de ne pas se faire sauter !"
Le prochain livre que prépare Plantu avec le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur s'intitule "Dix bonnes raisons de ne pas se faire sauter !" : "Je vais le faire réagir sur toute une série d’images, c’est passionnant". Le dessinateur n’en dira pas plus, alors qu’il promeut aussi en ce moment "Les droits de l’homme, c’est pour quand ?" aux éditions Gallimard au nom de "Cartooning for peace". La préface est justement signée par Christiane Taubira, l’ancien Garde des Sceaux.