Blois : Isabelle Autissier en clôture des Rendez-Vous de l’Histoire
Publié : 9 octobre 2022 à 15h09 par Nicolas Terrien
Isabelle Autissier assure la présidence d’honneur de l'édition 2022 des Rendez-Vous de l'Histoire, à Blois, sur le thème de la mer. La célèbre navigatrice dénonce dans son dernier livre le déni des communautés humaines face aux cataclysmes climatiques annoncés. Entretien.
Sweet FM : Vous êtes navigatrice, auteure, scientifique engagée au WWF France, mais pas historienne... Quel rapport entretenez-vous avec l’histoire ?
Isabelle Autissier : Un rapport de marin ! Car comme tous les marins, on s’interroge sur l’histoire de ceux qui sont passés avant nous. Lorsqu’on est sur la mer, face au vent, on se dit que Christophe Colomb a vécu les mêmes choses il y a plus de cinq-cents ans, dans des conditions certes différentes. Ce rapport entre eux et nous, c’est toujours quelque chose qui nous questionne.
L’histoire vous sert en tant qu’auteure ?
Bien sûr. Quand j’écris sur la Patagonie, sur le stalinisme ou sur Venise, l’histoire de la vie des humains est forcément fondamentale. Si l’on veut comprendre quelque chose, il faut regarder un peu derrière soi pour tenter d’imaginer ce que l’on a devant.
Comme c’est certainement le cas dans votre dernier livre, "Le naufrage de Venise", où la ville est menacée par la montée des eaux ?
En fait, Venise est un excellent exemple du déni qui existe sur le sujet. Tout le monde sait que ce que l’on considère comme un joyau de l’humanité va mal finir. Venise continue de s’affaisser alors que la mer monte toujours. Evidemment, dans mon livre, j’imagine que ça va se produire bientôt. J’essaye surtout de comprendre les raisons de ce déni, et pourquoi chacun fait son petit business comme si de rien n’était, comme si les questions environnementales n’étaient pas si urgentes. On voit bien que l’on n’agit pas du tout à la hauteur de ce qu’il faudrait faire. Et je parle bien de nous, sociétés humaines, puisque la planète, elle, se débrouillera toujours aussi bien sans nous. Nous qui devons réagir, et qui le faisons si mal !
On vous sent plutôt pessimiste...
Ce n’est pas une question d’être optimiste ou pessimiste. Ça ne sert à rien. Dans les deux cas, on ne fait rien. Moi, j’essaye de faire, et de mettre ma petite pierre dans la direction où il faut aller. J’espère que c’est la bonne. Je n’en sais rien, franchement...
Ce livre traduit donc votre engagement en faveur de l’environnement ?
En tout cas, il traduit les questionnements que j’ai par rapport à mon engagement environnemental. Cela fait des années que l’on décrit très précisément, notamment les scientifiques du GIEC, ce qu’il va se passer. On reste tout de même abasourdi par ce silence. On a l’impression de taper dans un oreiller !
Au regard de votre expérience, voyez-vous se dérouler ce dérèglement tel qu’il avait été prédit, au fil des décennies ?
Globalement, oui. Ce qui rend encore plus incompréhensible notre répulsion à agir. C’est-à-dire que l’on ne s’est pas trompé. On ne raconte pas des histoires ! Ce ne sont pas des fables pour les enfants, ni des fakes news. C’est juste une description de la réalité et une anticipation de choses précises, physiques, chimiques, biologiques... Après, il cohabite plusieurs hypothèses. Malheureusement, nous sommes aujourd’hui plutôt dans les mauvaises, avec des conséquences extrêmement violentes et difficiles à supporter pour les communautés humaines. Maintenant, il n’est pas trop tard pour agir, mais il faut aller le plus vite possible, avec un changement de vie et de comportement qui pourrait atténuer ces conséquences.
Titre :Isabelle Autissier :
C’est le sens du message que vous souhaitez diffuser à l’occasion des Rendez-Vous de l’Histoire ?
Je n’ai pas vraiment de message, ce serait vraiment ambitieux. Partout où je vais, j’essaye de partager ces réalités et de faire en sorte que l’on se mobilise tous le plus possible sur ces questions-là. C’est là que l’histoire est intéressante. Elle nous met en perspective des civilisations qui se sont effondrées, des communautés humaines qui se sont perdues souvent dans d’importantes souffrances. Bref, ce n’est pas nouveau, et cela peut encore arriver.