Du Havre à Blois, Maylis de Kerangal fait résonner la ville

13 octobre 2024 à 9h16 par Nicolas Terrien

Maylis de Kerangal, écrivaine longtemps Seinomarine, était présente sur les Rendez-vous de l’Histoire, à Blois, ce samedi 12 octobre, autour d’échanges sur un thème que l’on croirait choisi pour elle et son dernier livre : celui de la ville.

"Jour de ressac" (éditions Verticales) se présente comme un polar. Un cadavre est retrouvé sur une digue avec dans sa poche, le numéro de téléphone de la narratrice. Mais rapidement, on s’aperçoit que la ville où se déroule l’action apparait comme un personnage à part entière. Cette ville, c’est celle du Havre, là où Maylis de Kerangal a vécu sa jeunesse. "J’avais très envie de travailler sur une ville, et ayant cette expérience havraise, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à écrire ce livre", explique l’autrice. "En Haute-Normandie, les villes sont différentes. Pour moi, Rouen revoyait vers la connaissance du passé, alors qu’à ce moment-là, mon présent était au Havre". La cité-portuaire entièrement détruite en septembre 1944 par les bombardements des alliés anglais, puis reconstruite juste après-guerre sous l’impulsion d’Auguste Perret et de son béton-armé offre en fait une opportunité de réflexion qui entre en collision les événements contemporains.

Titre :Maylis de Kerangal au micro de Nicolas Terrien :

De la résonance des bombes


"Quand parle-t-on d’urbicide ?" interroge Maylis de Kerangal, en se positionnant clairement comme une auteure bien inscrite dans son temps. Et pour cause : "En écrivant ce livre, j’ai ressenti les vibrations des bombardements de Kharkiv et de Marioupol, puis de Gaza à partir du 7 octobre 2023". L’écriture permettrait donc de saisir cela. Comment les villes sont-elles détruites ? (essentiellement en deux jours pour Le Havre en 1944, faisant 2 000 victimes). Et puis comment les villes se reconstruisent-elles ? (Au Havre, sur les gravats de la ville anéantie et parfois même les corps de ses habitants, surélevant la ville actuelle de plus d’un mètre cinquante !)  Si bien que sous la ville existe la ville d’avant. Dès lors, le titre "Jour de Ressac" prend une autre dimension. "En tout cas, c’est la ville qui a fait de moi une écrivaine". Encore une fois, la littérature permet de rapprocher des événements lointains en les connectant à notre quotidien, et finalement toujours dans cette même quête de soi…