Justice : "Des moyens plutôt qu'une énième réforme"
Jean-François Mortelette, bâtonnier de l'Ordre des avocats blésois
Crédit : Nicolas Terrien
Publié : 21 avril 2021 à 18h31 par Nicolas Terrien
L'avocat blésois Jean-François Mortelette s'exprime sur le projet de loi "pour la confiance dans l'institution judiciaire" présenté ce mercredi 14 avril par Éric Dupond-Moretti.
Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés dans les prétoires, "notamment sur des dossiers de drogue à Orléans" se remémore le bâtonnier des avocats du barreau de Blois. Sauf qu’aujourd’hui, "Aquitator" est devenu garde des Sceaux, et y va de son projet de réforme. "La justice n’a pas besoin d’une réforme tous les deux ans, mais de moyens" juge l’avocat blésois dans un réquisitoire sans concession sur trente ans de réformes. "On veut toujours une justice plus ouverte, plus transparente, mais où est la lisibilité lorsqu’on constate moins d’accès à la justice ?". Et Jean-François Mortelette de se remémorer les fermetures des tribunaux d’instance avec la loi Dati sous la mandature Sarkozy. Sauf que là, le ministre est avocat. "Je crois que c’est important qu’il y ait une vision de la justice par l’intermédiaire d’un confrère qui a vécu le pénal"... A l’arrivée, les mesures sont-elles à la hauteur des enjeux et des attentes ?
Filmer, encadrer, protéger...
Pour redonner de la "confiance dans l’institution judiciaire", le ministre prévoit notamment de filmer les audiences. "Je suis assez réservé, le fait d’être filmé peut changer les postures des victimes, des accusés, des magistrats, du parquet..." explique Jean-François Mortelette. L’avocat blésois s’interroge aussi sur la protection de la vie privée : "Est-ce que filmer un jugement de divorce aurait un aspect pédagogique ?" pousse-t-il en prônant plutôt l’éducation à la justice à l’école. Mais il y a aussi des avancées positives dans ce projet de loi, selon le bâtonnier : "Encadrer et réduire la durée des enquêtes préliminaires est une bonne chose, de même que la protection renforcée des droits de la défense".
La fin des jurys populaires pour les viols ?
Sur la question des tribunaux criminels destinés à désengorger les assises, Jean-François Mortelette regrette qu’on n’attende pas les résultats des expérimentations menées dans douze juridictions françaises -dont une dans le Cher- avant la généralisation. D’autant qu’il s’agirait d’y juger des affaires dont les accusés encourent entre quinze et vingt ans de prison, soit des dossiers de viols à 80 ou 90% -25 à 30 sont actuellement en attente de jugement en Loir-et-Cher-. Et ceci en se dispensant des jurys populaires comme aux assises. Ces derniers seraient remplacés par cinq magistrats professionnels. "Je reste attaché à ce lien direct entre la justice et le peuple. De plus, cette présence est très importante pour la reconstruction de la victime".