Le Mans : deux versions s’affrontent au procès d’un gilet jaune pour violence sur un policier
23 septembre 2020 à 15h35 par Jonathan Lateur
Soupçonné d'être l'auteur de violences sur un policier lors d'une manifestation de gilets jaunes, David Bruzzi était jugé ce mercredi 16 septembre au tribunal correctionnel du Mans.
David Bruzzi a-t-il frappé à la carotide un policier après avoir tenté de lui voler son LDB (lanceur de balle de défense) ou au contraire, été victime de violences disproportionnées de la part des forces de l’ordre ? Cet habitant de Vaas était jugé ce mercredi 16 septembre au tribunal correctionnel du Mans. Une comparution après la plainte d’un fonctionnaire pour des faits remontants à "l’acte 14" du mouvement des gilets jaunes, le 16 février 2019. Ce jour-là, le quadragénaire rejoint son épouse et sa fille qui participent à la manifestation en centre-ville du Mans. L’ambiance est tendue aux abords de la rue du Port, les forces de l’ordre essuient de nombreux assauts de projectiles et font usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule.
Les deux versions du policier et du gilet jaune
Selon le prévenu, un policier lance alors "tire-toi sale pute, dégage salope" en direction de sa femme et de sa fille. David Bruzzi se retourne et se retrouve à proximité du fonctionnaire en question qui pointe son arme vers lui. D’un geste de la main, le gilet jaune tente de baisser le canon du LBD vers le sol. Plusieurs membres des forces de l’ordre se jettent immédiatement sur lui. Sa femme, venue pour le défendre, reçoit également de nombreux coups de matraque. Un scénario contredit par le policier impliqué, lui affirme au contraire que l’intéressé a essayé de prendre son arme "à deux mains, par la carcasse", avant de lui assener un coup de poing "au niveau de la carotide". Dès le lundi suivant, le couple déposera plainte pour violences policières.
L'IGPN ouvre une enquête
Plus d’un mois après les faits, le policier mis en cause décide, lui aussi, de porter plainte pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. L’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale, diligente une enquête pour faire toute la lumière sur l'épisode du 16 février. C’est cette procédure administrative qui obligera le tribunal à reporter à deux reprises le procès de David Bruzzi, dans l’attente des conclusions. Finalement, la police des polices classe l’affaire sans suite, concluant qu’il n’y avait pas eu d’usage disproportionné de la force. Une nouvelle plainte a depuis été déposée pour obtenir l’ouverture d’une information judiciaire.
Des images inédites de la scène
Ce mercredi 16 septembre, l’audience a enfin pu se dérouler. Les versions du gilet jaune et du policier différent toujours. Des images de caméras de vidéosurveillance, auxquelles la défense n’avait pas eu accès, sont diffusées : on y voit David Bruzzi baisser d’une seule main le LBD du policier avant d’être plaqué au sol. En revanche, impossible de distinguer un éventuel coup de poing porté à la carotide du fonctionnaire sous cet angle de vue. Devant l’insistance des magistrats pour connaître les motivations de son geste, le prévenu, handicapé et soutenu par des béquilles, décide d’exercer son droit au silence.
Une peine "de l'ordre de l'apaisement"
C’est son avocat, Jean-Baptiste Vigin, qui parlera de "geste réflexe" au cours de sa plaidoirie. La défense tentera ensuite de démontrer les incohérences des déclarations du policier, tandis que pour le conseil de la partie civile, Jonathan Proust, les images de la vidéo sont "édifiantes", et le dernier message posté à la veille du procès sur Facebook par le prévenu montre sa "rancœur contre les forces de l’ordre". Quant à la procureure, Marine-Céline Loubaresse, elle parle d’une "volonté de porter une atteinte physique au policier, par un geste brutal et violent". Elle ne retient pas la légitime défense et demande une peine "de l’ordre de l’apaisement" à savoir 12 mois de prison avec sursis et l’obligation de prendre part à un stage de citoyenneté. Le jugement mis en délibéré sera rendu le mercredi 23 septembre.