Rouen : confinement et odeurs pour les riverains de Lubrizol

En plein confinement, les Rouennais pestent contre les odeurs qui se dégagent de l'usine Lubrizol

Crédit : Julien Dubois

Publié : 30 avril 2020 à 14h46 par Julien Dubois

Il y a certains endroits où le confinement est particulièrement difficile à vivre. C'est notamment le cas dans l'agglomération de Rouen, à proximité du site Lubrizol, où des travaux de dépollution sont actuellement menés, 7 mois après l'incendie spectaculaire de l'usine.

De nombreux riverains se plaignent depuis plusieurs semaines des odeurs nauséabondes qui se dégagent du site de l’entreprise, en partie dévastée lors de la catastrophe du 26 septembre dernier. C’est le cas de Leila. Cette habitante de Petit-Quevilly vit à quelques centaines de mètres de Lubrizol : "Ça se caractérise par une forte odeur d’essence, comme si on était dans une station-service. C’est assez violent et c’est par nappes […] On doit refermer les fenêtres, mais avec le temps qu’il fait et le confinement, on a besoin d’air !".


Des maux de têtes, les yeux et le nez qui piquent


Des habitants qui doivent donc rester chez eux fenêtres fermées. Pas question non plus de profiter d’un éventuel jardin. D’autant que ces odeurs sont également sources de désagréments physiques, comme l’explique Delphine, qui vit elle aussi dans les environs du site pétrochimique : "Au bout d’un moment, ça commence à vous irriter surtout le nez et les yeux, et ça finit par vous donner des maux de têtes". D’autant qu’en cette période de confinement, Delphine travaille depuis chez elle. Ces odeurs d’hydrocarbures sont donc plus que malvenues : "Il y a eu des journées où j’avais énormément de mal à travailler, et heureusement que le Doliprane existe pour atténuer un peu le mal de tête. C’est assez pénalisant".


Le préfet de la Seine-Maritime interpellé


De son côté, l’association des sinistrés de Lubrizol prend ce problème très au sérieux. Son président, Simon De Carvalho, a interpellé les services de l’Etat : "Vu le nombre de témoignages, on a écrit au préfet pour savoir exactement ce qu’il en est. Que compte faire l’industriel par rapport à ces odeurs ? Il ne faut pas oublier que le préfet avait promis qu’il n’y aurait plus d’odeurs, une promesse non tenue sept mois après la catastrophe. Et c’est de pire en pire […] Il y a de quoi demander de comptes à la préfecture et à cette usine !".


Le préfet de la Seine-Maritime, Pierre-André Durand, est conscient de la difficulté pour certains de subir ces odeurs. Malgré tout, ces travaux de dépollution, qui n’auraient pas pu débuter auparavant en raison de contraintes juridiques, ne doivent pas, selon lui, être reportés : "Je pense que ça ne serait pas rendre service aux riverains. Plus nous reportons, plus nous prenons le risque pour les habitants d’être encore plus incommodés au moment des fortes chaleurs. L’idée, c’est vraiment d’aller decrescendo vers une situation normalisée".


Les riverains autorisés à quitter l’agglomération avant la fin du confinement


D’ici là, le préfet annonce que les riverains, en proie à ces nuisances olfactives, sont autorisés à quitter l’agglomération pour aller se confiner ailleurs, comme cela avait été demandé par l’association des sinistrés de Lubrizol : "Il n’y a pas de difficultés particulières. Même si c’est dans une autre région, ça peut tout à fait se concevoir en la circonstance. L’attestation leur permet de le faire, les forces de l’ordre en sont informées". Une bonne nouvelle pour certains, qui pourront donc rejoindre leur famille dans un autre secteur géographique. Les autres devront prendre leur mal en patience. Si une atténuation de ces odeurs incommodantes est attendue ces jours-ci, les travaux de nettoyage vont encore durer quelques semaines. De son côté, ATMO Normandie, association chargée de la surveillance de la qualité de l’air, indique qu’il est toujours possible de signaler ces nuisances sur l’application ODO.


Reportage de Julien Dubois