Sécurité, grands travaux, commerce, finances publiques : Stéphane Le Foll répond à Sweet FM

14 octobre 2024 à 15h56 par Jonathan Lateur et Emilien Borderie

Stéphane Le Foll était l’invité de Sweet FM ce jeudi 10 octobre : face à Jonathan Lateur, le maire du Mans, également président de Le Mans Métropole et ancien ministre, a parlé sécurité, commerce, grands travaux, attractivité... Il s’est par ailleurs érigé contre la volonté du gouvernement d’en appeler aux collectivités locales pour éponger la dette publique de la France.

Sweet FM : au moment où l’Etat, confronté à un déficit des comptes publics toujours plus lourd, veut demander aux collectivités locales de se serrer la ceinture et même pire, les ponctionner à hauteur, estime-t-on, de 8 millions d’euros rien que pour la ville du Mans et la métropole, est-ce que les projets votés localement, comme les Chronolignes de bus, le nouveau palais des congrès, le campus universitaire de la gare sud entre autres, vont être remis en cause ? Ou est-ce que les impôts vont augmenter ?


Stéphane Le Foll : voilà quelque chose qui nous tombe dessus et qui me fait dire, une nouvelle fois, que gouverner, ce n’est pas prévoir, mais c’est plutôt être capable de s’adapter ! Personne n’avait prévu un tel déficit, mais on arrive bel et bien à un chiffre de l’ordre de 7% du PIB. C’est donc maintenant le branle-bas de combat, il faut aller chercher de l'argent partout... Au risque de remettre en cause les investissements, or ces investissements, ce sont aussi des entreprises qui au Mans aujourd'hui, dans le domaine des travaux publics, dans le domaine de la construction, travaillent, créent de la richesse : les bus à hydrogène qu’on va acheter, le prototype qu’on va présenter en décembre et qui roulera demain sur les Chronolignes, c'est une fabrication en France, c'est une dynamique économique. Alors, très concrètement, la ville du Mans et Le Mans Métropole qui seraient privées de huit millions d'euros avec la ponction imposée sur le budget 2025, ça pourrait avoir des conséquences. Pour se faire une idée, huit millions d'euros, c'est par exemple exactement ce qu'on a investi pour la maison pluridisciplinaire de santé Armand-Saffray. Donc, les investissements qui sont prévus, on les fera. Mais il y en a d’autres qu’on va reporter.


Sans augmenter les impôts ?


Non, sans augmenter les impôts. On reportera certains investissements.


Des habitants se plaignent d'une mendicité de plus en plus visible en centre-ville du Mans, on a même vu des enfants faire la manche place de la République, les Restos du Cœur disent aussi avoir vu bon nombre de nouvelles personnes qu’ils n'avaient jamais vues au Mans arriver cet été durant les Jeux olympiques de Paris... Comment prenez-vous cette situation ?


On sait, oui, qu'il y a eu un impact avec les Jeux olympiques, puisque une partie des gens qui étaient sur la région parisienne ont fait l’objet d’une décision de l'Etat qui a consisté à les répartir ailleurs. Donc, ce n'est pas de notre responsabilité. S’agissant ensuite de dire qu'il y a beaucoup plus de mendicité, je voudrais avoir des chiffres précis, parce qu’il y a des choses qui sont dites, qui sont répétées... Moi je me balade pas mal dans la ville et je n’ai pas forcément cette vision. Mais il y a aussi le problème de la psychiatrie : c'est un vrai problème. La plupart de ceux qui sont dans la rue, il n’y a pas besoin de passer beaucoup de temps pour se rendre compte qu'il y a des problèmes psychiatriques : il n’y a plus l'ambulatoire psychiatrique, ce qui fait qu’on ne garde plus les gens qui ont des problèmes psychiatriques dans les établissements, et ils se retrouvent sur le domaine public, sans suivi.


Selon le syndicat Alliance, il manque une quarantaine de policiers au commissariat du Mans, où ils sont aujourd'hui un peu moins de trois-cents. Il devait aussi y avoir une brigade des transports à partir du printemps dernier, mais elle n'est pas là...


Comme il y avait les Jeux olympiques, et que la mobilisation des forces de l'ordre pour l’événement était totale, c’était vu avec le préfet de la Sarthe, j’avais accepté de dire qu’ont reportait l'arrivée de cette police des transports pour l’après JO, c'est-à-dire à la fin de l'automne. L'engagement a été pris par l'Etat, par le préfet. Donc, j'attends et je réitère la demande : cet engagement doit être tenu. J’entends Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, qui en fait des tonnes... Mais est-ce que ce type d'engagement va être tenu ? Là, on va voir s'il y a de la cohérence dans la politique gouvernementale. Mais ça m’a été répété, ça m'a été dit, normalement, on doit avoir dix à douze policiers supplémentaires pour les transports et c’est absolument nécessaire.


Et concernant les quarante policiers manquants selon le syndicat Alliance ?


Alliance donne des chiffres, je ne veux pas les commenter plus que ça. Plus il y aura de policiers à la police nationale, mieux ça sera. De mon côté, moi, quand je suis arrivé, on avait autour de vingt policiers municipaux : j'avais dit qu'à la fin de ce mandat, on en aurait quarante. On sera à quarante policiers municipaux en 2026. Donc, on aura doublé le nombre de policiers municipaux. Rien que sur la police municipale, on aura doublé la masse salariale. Et on l'aura doublée pour des bonnes raisons. Parce que la question de la sécurité, ça fait partie des enjeux sur lesquels on attend les collectivités.

Quelques mots sur le commerce : des Manceaux aimeraient le retour, par exemple, d’une vraie grande surface d’articles de sport en centre-ville comme ce fut le cas il n’y a pas si longtemps... Et puis, il y a cette foncière commerciale que vous avez créée, et qui était censée reprendre des cellules vides, accélérer des installations ?


Ce n’est pas le maire qui décide de qui doit s’installer en ville. Mais il peut essayer de susciter, de faciliter dès qu'il y a des investisseurs, d'aller en chercher, oui bien sûr. Mais le vrai souci du commerce en centre-ville aujourd'hui, et du commerce de manière plus générale, c'est la vente par internet. Et ça non plus, c'est pas le maire qui peut le gérer. Ce qu’on essaye de faire, c'est de l’attractivité, que la ville change, se mobilise, se développe culturellement avec de grands événements, pour que les gens se sentent bien et viennent parce qu'il y a un intérêt à venir au Mans. Et puis deuxièmement, la démographie : garder la jeunesse, faire en sorte qu'on garde du monde, parce que c'est parce que la ville a un dynamisme démographique qu'elle aura aussi des magasins. Puis après, on a créé une foncière pour les lieux où on se retrouve avec des magasins vides et des propriétaires qui ne vendent pas, qui laissent traîner, parfois des années, alors qu'on pourrait, nous, acheter avec cette foncière et ensuite louer à des commerçants qui veulent tenter des expériences. Et si l'expérience marche, à ce moment-là, ils rachètent le fonds.


C’était l'objectif, annoncé il y a déjà un certain temps... Il n'y a pas eu d'effets concrets avec cette foncière ?


Le lancement de cette foncière, c’était il y a deux ans. Il y a eu des achats qui ont déjà été faits, des projets qui sont en cours, on continue de chercher pour trouver des opérations sur lesquelles on peut s'engager, mais ce n’est pas toujours facile.


Lorsqu'on arrive au Mans avec le TGV, on sort sur le parvis de la gare nord, on est immédiatement confronté à des commerces fermés...


Oui, il y avait la brasserie "Le Parisien" : ça a été acheté, le propriétaire nous promet qu'il va faire un centre dentaire mais il ne le fait pas, alors qu'on est prêt à racheter. Et de l'autre côté, au rez-de-chaussée de l'Hôtel Ibis, où il y avait le bar-restaurant "Le Corail", là, le propriétaire n'a pas envie de vendre pour garder la possibilité de faire quelque chose un jour. Il est propriétaire, on ne peut rien faire. Ça nous pose un problème, alors on met des plaques pour que ça soit un peu plus joli et qu'on évite le côté complètement dégradé et une image qui n'est pas la bonne. Dans un état de droit, la propriété, ça reste la propriété.


Une fois les "Chronolignes" aménagées, il y aura moins d’emplacements pour se garer dans les rues de la ville. Réduire la part de la voiture, c’est une politique assumée ?


C'est assumé, oui, dans le sens où on a aussi beaucoup de places de parking qui sont inutilisées, en particulier en souterrain. Il y a plus de sept-cents, huit-cents places disponibles dans le parc du bailleur social Le Mans Habitat par exemple. Et si on parle du parking des Quinconces, on a deux niveaux de souterrain qui sont vides 85% du temps, alors que ce sont des constructions qui ont coûté beaucoup d’argent. On a lancé une application qui permet de savoir où il y a des places libres pour garer sa voiture à ces endroits. Mais là, on est dans une situation où les gens vont préférer tourner longtemps pour trouver une place en aérien sans y arriver, alors que quelquefois il y a beaucoup de place en souterrain. Donc, pas moins de places de manière générale, mais elles ne sont pas au même endroit.


Et s’agissant de la place, plus globale, de la voiture en ville ?


Moi, je ne conçois pas les choses comme l'idée de dire qu’on va virer la voiture. Parce que je sais qu'on est dans un département rural, que les gens qui viennent au Mans, y viennent en voiture. Donc, il faut qu'on soit attentif aussi à cette question-là. On ne peut pas la balayer en disant : vous n'avez qu'à prendre autre chose et pas venir en voiture.

Vous avez parlé de report modal : croyez-vous véritablement que les automobilistes vont abandonner leur voiture pour prendre bus des "Chronolignes" ? Certains disent que ce report modal est un mythe.


Oui, c'est extrêmement difficile à opérer. Même avec une gratuité des transports dans certaines villes, on s’aperçoit que ça ne fonctionne pas forcément. Mais moi je pense que si la qualité du transport collectif qui est proposée, en rapidité et en ponctualité, est au rendez-vous, là on peut espérer du report modal. C'est la qualité du transport et de l'accueil dans le transport qui fait beaucoup pour le report modal.


Revenons sur les travaux, entamés ou à venir : il y en a un peu partout dans la ville, avec des perturbations, des nuisances de différentes natures, de l’impatience... Vous entendez le ras-le-bol des riverains ?


Je sais que les travaux, ça ne fait jamais plaisir, parce que ça perturbe le quotidien, ça crée beaucoup de questions. Ça peut avoir quelques conséquences, oui, mais je pense que l'enjeu vaut bien les perturbations qui vont avoir lieu dans l'année qui vient, ou les deux ans qui viennent. Parce que, derrière, il y a une ville qui est complètement changée, qui s'est adaptée, qui a été végétalisée, qui, en termes de mobilité, va basculer vraiment dans la décarbonation, et puis qui va être facilitée pour la vie au quotidien.


Ces fameuses "Chronolignes" permettront d’avoir une dizaine de kilomètres de voies dédiées aux bus, qui seront plus fréquents, plus réguliers. Vous en profitez aussi pour revoir l'aménagement de plusieurs axes et places, avec plus d'arbres : Chanzy, Bollée, Félix-Géneslay, place de l'Eperon, place Washington, Pâtis-Saint-Lazare... Plus de place pour les vélos également. Ça va coûter plus de deux-cents millions d'euros. Ça va véritablement changer le visage du Mans ? Il y aura un avant et un après ?


On a connu l’installation du tramway, qui a été un enjeu d'urbanisation nouvelle au travers d'un choix de mobilité. Il y aura la deuxième étape avec les "Chronolignes" c'est certain, ça va être aussi l'occasion de repenser une partie des aménagements urbains, et en particulier des places, et ça, c'est un point important, on en a besoin, pour donner un cachet à la ville, au-delà de tous les atouts qu'elle a, avec en particulier sa cité Plantagenêt et sa cathédrale, tout son patrimoine, il faut qu'on soit capable d'avoir des espaces comme ça, communs, et les places sont des enjeux spécifiques. J'ai toujours été très attaché à la question des places. J'ai d'ailleurs souvent regretté que, dans les nouveaux urbanismes, on oublie ces positions centrales. J'en veux pour preuve que sur le grand projet de l’Etamat, qui est un projet de reconversion d’une friche militaire sur huit hectares, à l'intérieur du Mans, j'ai  demandé expressément à ceux qui travaillaient au niveau de l'architecture d'avoir une place, parce que je pense qu'il faut des places, ça centralise.


Revenons sur ces "Chronolignes" : l’opposition municipale souligne que leur coût est passé de 33 initialement, à plus de 100 millions d’euros aujourd’hui, d’une part, et d’autre part, elle doute de l’intérêt d’investir autant d’argent pour, au final, gagner dix minutes en temps de trajet sur chacune des trois futures lignes de bus.


C’est typique de l’opposition ce genre d’argument. Oui, dix minutes pour un bus, c’est une chose. Mais il faut se poser la question : combien y a-t-il de personnes dans un bus ? Les dix minutes sont à multiplier par le nombre de passagers, puis par le nombre de bus, etc. Aujourd’hui, dans le tramway du Mans, il y a en moyenne 16 à 17 millions de voyages réalisés à l’année. Le gain de temps qu’on aura avec les "Chronolignes", ce n’est donc pas dix minutes, ce sont des millions d’heures.

Stéphane Le Foll, êtes-vous certain de vous représenter aux prochaines élections municipales ?


Non, pas certain, non. Ma réflexion, c’est de finir ce mandat et faire ce que je pense être absolument nécessaire de faire. Après, il faut regarder tout le contexte. Et puis, moi j'ai une carrière politique qui a été bien remplie. Je fais ce que je fais par passion. Pour l’idée que je me fais aussi de la ville que j'entrevois d'ici vingt à trente ans. Tout ce qui est lancé, c'est pas simplement pour régler un problème d'aujourd'hui, c'est pour essayer de penser ce que sera la ville de demain : comment elle sera organisée, comment elle sera structurée. Et pour ça, il y a encore beaucoup à faire d'ici 2026. Donc on verra bien à la fin de l'année 2026 comment j'analyserai et je jugerai les choses.