Tours : la cérémonie du Michelin 2024 en quelques anecdotes
20 mars 2024 à 17h44 par Nicolas Terrien
Ce lundi 18 mars, la Touraine a concentré toute l’attention du monde de la haute gastronomie en accueillant la cérémonie de dévoilement du palmarès 2024 du célèbre "Guide Michelin". Retour sur un événement aussi exceptionnel que convivial, avec ces petites histoires vécues au cœur de l’événement.
L’événement avait été annoncé à grand renfort de communication : après Cognac en 2022 et Strasbourg en 2023, c'est Tours qui allait devenir pendant deux jours la capitale internationale de la haute gastronomie. Et les chefs les plus discrets comme les plus médiatiques n’ont pas manqué une miette de cette immersion en Centre-Val-de-Loire, région initiatrice de la reconnaissance du repas gastronomique au patrimoine mondial de l'Unesco.
"Cet événement a été voulu comme populaire"
La phrase est de Gwendal Poullennec. En présence des élus tourangeaux et régionaux ce dimanche 17 mars, le directeur international du "Guide Michelin" ne pouvait que constater la justesse de son propos : difficile de se frayer un chemin parmi la foule qui se masse devant les chalets disposés sur le boulevard Heurteloup, face à la gare. "C’est surtout déjà le rendez-vous des pique-assiettes !" s’agace une maman entourée de ses deux enfants. Il faut dire qu’il est l’heure de déjeuner, et les dégustations gratuites de produits locaux et de plats préparés par des chefs tapent autant au cœur qu’à l’estomac. A tel point que les accès ont dû être filtrés pour ce seul événement ouvert au public.
Michel Audiard, le tonton sculpteur
Ici, il ne s’agit pas du célèbre dialoguiste du cinéma des années 60-70, mais du non moins célèbre sculpteur installé à Rochecorbon, entre Tours et Vouvray. Pourquoi parler de lui ici ? Parce que les personnalités invitées par le "Guide Michelin" et la région Centre-Val-de-Loire -Chefs étoilés, journalistes, blogueurs, influenceurs- étaient invitées à participer à des expériences immersives en Touraine. "On va faire la visite très vite, parce que la culture, vous vous en foutez... Ce que vous voulez, c’est aller boire un coup !" : fous rires en série tout au long de cette immersion dans l’antre d’un artiste dont la gouaille n’a rien à envier à son fameux homonyme cinématographique...
Ce soir, on vous met le feu !
Une autre expérience immersive a conduit un groupe au Domaine des Hautes-Roches, également situé à Rochecorbon. Cet établissement étoilé a la particularité d’être quasi entièrement troglodytique ! Ce dimanche soir, la terrasse offrant une vue exceptionnelle sur la Loire est occupée par un immense brasero dont de solides pièces de viandes s’imprègnent déjà des bienfaits. "Ça brûle, ça brûle l’arbre au-dessus !" signale soudain une restauratrice girondine invitée aux ripailles. La force des flammes a en effet atteint la branche d’un arbre juste au-dessus du foyer... bien difficile à déplacer ! Ayant quitté les lieux avant la conclusion de l’histoire, et n’ayant rien lu sur le sujet le lendemain dans la presse, le barbecue au feu de bois s’est -a priori- bien passé...
Un train spécial "Chefs" en gare de Tours !
Assis juste derrière Alexandre Mazzia -triple étoilé à Marseille- et non loin de Gilles Goujon -triple étoilé dans l'Aude-... Qu’on se le dise, pas forcément besoin d’une fusée : on peut aussi atteindre les étoiles par le rail ! Sur le quai "F" de la gare de Tours, un train est spécialement affrété pour acheminer quelque 400 personnes vers Blois, afin de rejoindre ensuite le château de Chambord. "J’espère au moins que celui-ci sera à l’heure..." persiffle un journaliste habitué de ce moyen de transport au départ de la capitale. Peu après, un chef interpelle une contrôleuse : "Madame, madame, je n’ai pas de billet !". Ambiance colo... Départ à 19h37 de Tours, arrivée à 20h09 à Blois. Le train des étoiles était bien à l’heure. Magique !
Chambord met tout le monde d’accord !
Aussi magique, l’arrivée au château de Chambord : inutile de tendre trop l’oreille dans le car pour se rendre compte de l’effet que produit l’apparition du château dont l’illumination jaillit dans la nuit tombée ! Des "Magnifique !", des "incroyable !", et même des "trop ouf !". François 1er qui voulait impressionner son monde il y a cinq siècles y parvient encore aujourd’hui. A la descente, les smartphones sont immédiatement dégainés pour immortaliser une arrivée VIP devant la façade illuminée en "rouge Michelin". Les chefs et les journalistes sont accueillis au son des trompes de l’équipage de Chambord, et d’une poignée de main du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau qui joue les hôtes. A peine attablé, je remarque que les story s’enchaînent déjà sur Instagram. Et ce n’était pas fini...
"On avait eu une choucroute l’an dernier !"
Le rituel de l’annonce annuelle du palmarès du Michelin a ses habitués. Depuis deux ans, la cérémonie a quitté Paris pour les régions. Et après la Charente qui a inauguré le dispositif, c’est l’Alsace qui a suivi l’an dernier. "On nous avait servi tous les clichés de l’Alsace au repas" se souvient un journaliste de télévision. En Centre-Val-de-Loire, il n’existe pas de plat emblématique, comme la bouillabaisse, le cassoulet ou la choucroute. Loin des stéréotypes, le chef double étoilé blésois Christophe Hay a donc pris sur lui de réaliser un repas gastronomique pour... 600 convives ! Un travail herculéen qu’il a pu mener de main de chef, grâce à la mobilisation de jeunes de toutes les écoles hôtelières de la région. Un moment d’exception.
Immersion... dans son lit ?
Le retour des cars de Chambord vers Tours s’est fait sous des bourrasques d’eau, pour une arrivée dans la cité tourangelle à 2h30 du matin. "J’ai encore un article à envoyer" se désespère une journaliste gastronomique à peine soutenue par des confrères éreintés par cette première journée. Sur les coups de 9h ce lundi, seuls quelques dizaines de courageux étaient à pied d’œuvre pour participer aux immersions auxquelles ils se sont inscrits. Certains auront décidé de garder des forces pour le soir ? Au lycée agricole et viticole d’Amboise, seuls deux journalistes ont découvert les vongt hectares de vignes autour desquels sont scolarisés 120 élèves qui sont les vignerons de demain. Ceux qui produiront les vins des grandes tables futures, assurément ! Un moment définitivement... exclusif !
Des stars de la cuisine partout !
"La cérémonie du Michelin, c’est incontournable" explique le Solognot Thomas Boullault, chef du restaurant étoilé "L’entracte" à Paris. Thomas Parnaud, étoilé à Chartres, confirme : "On retrouve les amis, on parle à la presse" et avec un petit stress en moins, puisque les rétrogradations avaient été annoncées deux semaines plus tôt. Ici à Tours, tout le monde se maintient, ce qui ôte une certaine pression. Les doubles et les triples étoilés sont là, se tapent dans le dos, se charrient. Glenn Viel -trois macarons aux Baux-de-Provence- prend le temps de répondre à Sweet FM, puis Malaury Gabsi -demi-finaliste de la saison 11 de "Top Chef", une étoile à Paris- échange quelques mots avec moi en attendant de pénétrer dans la salle des congrès du Vinci. Juste derrière arrive Anne-Sophie Pic, seule femme triple étoilée en France ! Tous sont là...
Cherchez la femme...
Dès 16h, la salle commence à se remplir. Depuis la veille, le petit jeu consiste à spéculer sur les promus qui seront annoncés une à deux heures plus tard : "Untel devrait avoir son étoile, enfin !", "Machin va décrocher sa deuxième", "Ça y est, ce sera la passe de trois pour lui". En fait, personne n’est vraiment sûr de ses propos. En attendant le début de la cérémonie, je cherche une prise afin de recharger mon téléphone. Je pose mon sac au pied de mon siège en demandant poliment à la dame en fauteuil juste devant moi de bien accepter d’y jeter un œil : de retour, elle parle de son mari, avec qui elle vit depuis soixante ans, et qu’elle n’est pas près d’en changer, qu'elle est habituée... Ce n’est que lorsque le mari en question vînt s’asseoir devant moi que je vis de qui elle parlait, madame... Pierre Gagnaire !