Une étude rend ses conclusions cinq ans après l'incendie de Lubrizol
26 septembre 2024 à 22h05 par Julien Dubois / crédit photo : AdobeStock
Le projet "Cop Herl" a mobilisé durant quatre ans une centaine d'enseignants-chercheurs et une vingtaine de laboratoires, afin d'en apprendre davantage sur les conséquences de l'incendie du site rouennais de Lubrizol, le 26 septembre 2019, sur l'environnement et la population. Ses conclusions viennent d'être livrées.
L'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique, le 26 septembre 2019, a marqué la conscience collective. Un évènement qui a servi de support de travail pour les chercheurs rouennais du projet "Cop Herl". Ils se sont intéressés pendant quatre ans aux conséquences du sinistre, et viennent de rendre leurs conclusions. Nous en avons parlé avec Matthieu Fournier, enseignant-chercheur à l'université de Rouen et co-coordinateur de l'étude.
Les conclusions de ces quatre années de travail nous apprennent que vous avez identifié dans l'environnement -sols, sédiments et eaux- des molécules bien distinctes des polluants qu'on trouve au quotidien. Quelles sont-elles ?
Nous en avons identifié trente. Vingt-deux de ces molécules ont des propriétés irritantes des voies respiratoires, principalement. Et huit ont des propriétés un peu plus délicates : deux mutagènes et cancérogènes, trois avec des perturbateurs endocriniens reprotoxiques, et trois ont des propriétés toxiques pour les organismes aquatiques.
Peut-on pour autant parler de pollution ?
Une pollution, il faut deux choses pour la définir : une valeur réglementaire définie par la loi, et que les molécules soient recherchées dans le milieu dans lequel on va pouvoir les détecter, et qu'elles dépassent des concentrations définies par la norme. Aujourd'hui, certaines de ces molécules n'ont pas de législation, tout simplement parce qu'elles ne sont pas censées se retrouver dans d'autres milieux, donc finalement il y a une absence de connaissances ou celles-ci sont incomplètes. Et il n'y a pas de textes qui les règlementent et fixent un seuil permettant de définir une pollution"
Vous recommandez toutefois aux autorités de prendre en compte ces molécules dans leurs contrôles à venir ?
Oui, car cette nouvelle information permet de réfléchir à d'autres questionnements, et la première recommandation que nous faisons aux acteurs du territoire, c'est de quantifier ces molécules dans l'environnement, pour savoir quelle est la concentration, et si cette celle-ci pose question.
Qu'en est-il de la "Darse aux bois", ce bassin qui a récupéré les eaux d'extinction ?
On y retrouve des concentrations très importantes en cadmium, cuivre, plomb, zinc, HAP "hydrocarbures aromatiques polycycliques", PFAS "per et polyfluoroalkylées dits polluants éternels" et PCB "polychlorobiphényle". Par exemple, pour les PFAS, on a la concentration la plus forte jamais observée en France parmi les sédiments. Donc ça suscite des interrogations, et on recommande là aussi aux pouvoirs publics d'effectuer des mesures dans les eaux, pour savoir si les sédiments relarguent une quantité importante de ces contaminants, pour mettre en évidence une contamination, voire une pollution de ces eaux, et faire le nécessaire le cas échéant.
Vos conclusions s'intéressent également à la population, jugée insuffisamment préparée à un tel évènement, encore aujourd'hui
On a fait des études sur le comportement des habitants le jour de l'incendie. On voit qu'il y a une absence de connaissance des consignes de sécurité et de réflexes normés, et donc une impréparation de la population. On a également montré que si l'incendie avait eu lieu en plein jour, on aurait été, individuellement et collectivement, incapables de répondre aux consignes de sécurité, parce qu'individuellement, on ne les connait pas, et collectivement parce qu'il n'y a pas suffisamment d'espaces de confinement ou de protection des personnes qui se retrouvent en-dehors, comme les passants à l'extérieur qui ont du mal à savoir où trouver refuge. Des pistes d'amélioration ont été explorés par la préfecture et la métropole, mais cinq ans après l'incendie, il reste des axes de progression à mener.
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